Un dépôt de marque tardif ne permet pas d’empêcher un tiers d’utiliser un signe similaire antérieur.

Par un jugement du 22 juin 2023, le Tribunal judiciaire de Paris a rejeté les demandes en contrefaçon de marque formulées par une société Mercenary Production à l’encontre d’un tiers exerçant des activités similaires aux siennes sous la dénomination sociale et le nom commercial « Mercenaire ».

Le litige opposait donc la société Mercenary Production, titulaire d’une marque, et la société Mercenaire.

Parmi les éléments de complexité du dossier, il est intéressant de relever que la société Mercenaire bénéficiait en fait d’une certaine forme d’antériorité car, créée en 2014, elle devançait le dépôt de la marque « Mercenary Production » déposée pour sa part en 2019. Il en résultait un imbroglio juridique que le juge était chargé de dénouer.

Statuant sur la demande de contrefaçon formulée à titre principal, le Tribunal de Paris considère qu’il n’existe pas de risque de confusion entre « Mercenary Production » et « Mercenaire », évoquant une « faible proximité des signes sur les plans visuels, auditifs et conceptuels ».

Le Tribunal estime en effet que le terme « Mercenary » serait ici un adjectif qualificatif du mot « Production », qui serait distinctif en soi s’agissant des services des classes 35 38 et 41. Il en résulterait notamment une différence conceptuelle et, partant, l’impossibilité pour le public d’établir aux services en cause une origine commune.

Surtout, et presque en tout état de cause, s’agissant du dépôt de marque effectué en 2019, le Tribunal considère qu’il a été effectué de mauvaise foi :

« Il sera observé, au surplus, qu’il ressort des éléments produits au dossier et de la chronologie des faits que ce n’est que près de cinq ans après le début de l’activité de la société Mercenaire sous ce signe que la société Mercenary Production, qui ne pouvait ignorer son existence pour évoluer dans le même secteur du luxe et de la mode, a déposé la marque dont elle demande aujourd’hui la protection, alors qu’elle ne justifie nullement l’avoir utilisée avant cette date à titre de marque dans la vie des affaires, pour désigner les services qu’elle propose. »

L’expression “au surplus” est ici soulignée dans le jugement, preuve de l’importance que le juge y a accordée !

En somme, le Tribunal reproche ici à la société Mercenary Production d’avoir déposé sa marque de manière tardive, alors qu’elle connaissait ou devait connaître l’existence de la société Mercenaire, intervenant dans le même domaine, alors même qu’elle n’aurait pas fait usage de ce signe à titre de marque avant cette date.

Le Tribunal en déduit que :

« cette marque a été déposée, non pas dans le but de participer de manière loyale au libre jeu de la concurrence, mais dans le but de priver la société Mercenaire de la possibilité d’utiliser son signe en invoquant un monopole sur le signe déposé, d’une manière qui s’avère non conforme aux usages honnêtes de la vie des affaires. »

Cette non conformité aux usages honnêtes de la vie des affaires n’emporte aucune autre conséquence. Car, à rebours, le Tribunal refuse également de prononcer la nullité de cette marque « Mercenary Production », au motif pris de l’absence de risque de confusion avec la dénomination sociale « Mercenaire ».

En conclusion, personne n’est réellement sorti gagnant d’une telle affaire, chaque société restant libre d’utiliser sa marque ou sa dénomination sociale, comme avant. En espérant, effectivement, qu’il n’en résulte aucun risque de confusion.