Pas d'originalité pour une photographie prise sur le vif

La question de l'originalité des oeuvres photographiques et, partant, de leur caractère protégeable ou non par le droit d'auteur, est assez sensible. Nombre de photographes revendiquent des droits de propriété intellectuelle sur des clichés dont ils sont les auteurs et tentent de s'opposer à la reproduction des images par des tiers sans leur autorisation.

Cependant, tous les clichés ne sont pas nécessairement protégeables par le droit d'auteur et la jurisprudence se révèle même de plus en plus stricte au fil des ans. Il est vrai que la photographie est désormais accessible à quiconque - il suffit d'un smartphone pour s'improviser photographe - et qu'il n'est pas possible d'élever au rang d'oeuvres protégées n'importe quel cliché, en l'absence d'effort créatif.

C'est ainsi que, depuis longtemps déjà, le photographe qui se contente d'appuyer sur le bouton "au bon moment", sans prise ni contrôle sur la scène qu'il est en train d'immortaliser, se voit généralement débouté de ses prétentions, en l'absence de droits de propriété intellectuelle sur le cliché.

D'aucuns n'acceptent pas cette solution et n'hésitent pas, malgré tout, à engager des procès, qui se terminent souvent de la même manière, comme en témoigne cet arrêt de la Cour d'appel de Paris du 4 février 2020, concernant une photographie prise lors de la visite d'installations sportives à Croissy sur Seine.

Le cliché ayant été reproduit dans le journal Le Parisien sans l'autorisation du seul photographe présent lors de cette rencontre, ce dernier s'en était plaint et, face à l'inertie du journal, avait porté le différend devant les tribunaux.

La motivation ne présente guère de surprise, mais intéressera celles et ceux qui sont confrontés à ce type de revendication :

"la photographie litigieuse [qui] représente trois personnes prises sur le vif au cours d'une conversation, sans que le photographe n'ait pu imposer ses choix tant sur leur emplacement, leur pose et le moment auquel a été prise cette scène", en l'absence de "cadrage particulier, [...] prise sur le vif sans que les protagonistes ne prennent une quelconque pose, ce que révèle notamment le fait qu'une personne dont un bras et des cheveux sont visibles est masquée par l'entraîneur, et que le blouson d'une autre personne est partiellement visible en bas à gauche de la photographie", n'est pas protégeable par le droit d'auteur.

La décision relève au surplus que la seule modification de la luminosité ne suffit pas non plus à caractériser l'originalité et l'auteur, "qui n'a fait que saisir l'instant", ne peut pas valablement revendiquer la protection par le droit d'auteur.

On relèvera également que la société éditrice du Parisien échappe à toute condamnation pour faute dès lors que l'auteur du cliché n'a pas démontré qu'il avait entendu limiter la diffusion de ses photographies, envoyées au maire de la commune, lequel les a ensuite transmises au journal :

"la société LE PARISIEN LIBERE, qui a manifestement reçu ces clichés du maire de la commune et a publié la photographie en cause dans les jours suivants, ne pouvait savoir que monsieur F., qui avait pris l'initiative de les transmettre volontairement, comptait s'en réserver l'utilisation ou s'opposait à leur publication".

Enfin, la Cour d'appel refuse également d'entrer en voie de condamnation sur le fondement de l'atteinte au droit à l'image, au motif que l'une des personnes visibles sur la photographie avait participé à un événement public et que le cliché illustrait un article répondant à l'information du public.