Les paroles « la mer qu’on voit danser » jugées « manifestement originales » en référé
La procédure de référé permet d’obtenir des mesures provisoires dans des délais (relativement) rapides, à condition que les demandes reposent sur une forme d’évidence, soit parce qu’elles ne se heurtent à aucune contestation sérieuse, soit parce qu’il est allégué d’un trouble manifestement illicite (articles 834 et 835 du Code de procédure civile).
Et généralement, on considère que formuler des demandes au titre de la contrefaçon de droit d’auteur en référé peut se révéler hasardeux dans la mesure où la condition centrale de la protection par le droit d’auteur, l’originalité de l’oeuvre contrefaite, suppose une appréciation qui ne relève pas des pouvoirs du juge des référés, mais du tribunal saisi au fond, après un débat contradictoire.
Il existe bien entendu des exceptions et l’arrêt rendu le 11 juillet 2025 par la Cour d’appel de Paris en constitue une intéressante illustration. Dans cette affaire, les ayant-droits du chanteur Charles Trénet, décédé en 2001, se plaignaient de l’utilisation de la phrase « la mer qu’on voit danser » sur des produits de papeterie. Ils invoquaient, en référé, une atteinte aux droits d’auteur et réclamaient à la fois l’interdiction de la commercialisation de ces articles, ainsi qu’une indemnisation à titre provisionnel.
En défense, la société éditrice des articles invoquait notamment le fait que les conditions du référé n’étaient pas réunies, en particulier compte tenu de la nécessité d’une appréciation, par le juge du fond, de l’originalité de ces quelques mots, évidemment tirés de la chanson « La Mer » de Charles Trénet.
En référé, toutefois, le président du tribunal judiciaire n’a pas suivi son argumentation et a ordonné le retrait des produits.
En appel, la solution est la même : selon la Cour d’appel de Paris, rappelant les règles en la matière, « le juge des référés reste compétent pour faire cesser un trouble manifestement illicite même en présence d'une contestation sérieuse si l’oeuvre est manifestement originale ».
C’est ainsi que, selon l’arrêt, après une analyse rapide des paroles en cause, il doit être considéré que :
« ces éléments traduisent manifestement l'expression de choix libres et créatifs de son auteur et à tout le moins une apparence d'originalité et de manière évidente ». Il en est donc déduit, en référé, ce qui est particulièrement notable, que les paroles sont originales et, partant, protégeables par le droit d’auteur.
On retient de cette décision qu’une “apparence d’originalité” peut suffire… ce qui peut surprendre.
En tout état de cause, les juges d’appel ont considéré que la reproduction de ces vers constituait un trouble manifestement illicite dont la cessation peut être ordonnée en référé sur la base de l’article et ont ordonné l’arrêt de la commercialisation des articles, ce dont la société éditrice ne justifiait pas.
Par ailleurs, ils l’ont condamnée à payer aux ayant-droits de Charles Trénet une indemnité provisionnelle globale de 10.000 euros.