Pas de contrefaçon de logiciel faute de fourniture du code source
Revenons sur une décision rendue l'an dernier par le Tribunal judiciaire de Marseille, que nous avions déjà abordée sous l'angle de la procédure civile, puisque, aux termes de ce jugement, des requêtes en saisie-contrefaçon avaient été annulées au motif qu'elles ne portaient pas la signature de l'avocat postulant.
Le jugement est également intéressant en ce qu'il s'attache à la protection du logiciel par le droit d'auteur et, plus particulièrement, sous un angle probatoire.
La protection du logiciel par le droit d'auteur est en effet au coeur de nombreux contentieux et, souvent, la question réside dans la preuve de l'originalité du programme, en particulier lorsqu'elle fait défaut comme ici.
Selon ce jugement du Tribunal de Marseille, celui qui invoque des actes de contrefaçon de logiciel doit en fournir le code source, faute de quoi le juge n'est pas à même de se prononcer sur la protection.
Dans cette affaire, une société SEREX, spécialisée dans la collecte et le traitement des eaux usées avait commandé à un prestataire de services informatiques, INFOGRAFIX, la réalisation d'une solution informatique spécifique, composée de dix applications serveur et deux applications mobiles.
Le prestataire s'était plaint d'un défaut de paiement de ses factures et d'une utilisation de ses logiciels sans autorisation et avait donc mis en demeure son client de cesser ce qu'il qualifiait d'actes de contrefaçon. En réponse, la société SEREX avait assigné INFOGRAFIX en résolution du contrat de prestations informatiques, notamment au motif que les logiciels n'auraient pas correspondu à ses besoins.
Sur le fond et au-delà des questions de procédure déjà étudiées, INFOGRAFIX soutenait qu'aucun contrat de cession des droits n'avait été conclu et que SEREX n'était titulaire que d'une licence (tacite) d'utilisation des logiciels, ce qui l'empêchait de faire intervenir des tiers sur le code source, ce qu'elle avait pourtant fait en demandant à un prestataire de modifier certains accès.
De son côté, SEREX soutenait que les logiciels n'étaient pas originaux et, partant, non protégeables, tout en invoquant les dispositions de l'article L. 122-6-1 IV du Code de la propriété intellectuelle, qui autorise certaines opérations sur le code, en particulier "pour corriger des erreurs".
Finalement, le jugement se révèle assez expéditif, puisque le Tribunal de Marseille s'est contenté de constater que la société INFOGRAFIX n'avait pas fourni le code source des différents programmes objets du différend et que, partant, elle n'était pas recevable à invoquer des actes de contrefaçon.
Selon le jugement, "la demanderesse se contente de décrire les spécificités de ce logiciel sans produire les codes sources; elle ne fournit pas le logiciel argué de contrefaçon".
Sans ce code source, le Tribunal a estimé ne pas être en mesure de "déterminer les contours de l’oeuvre revendiquée ni ses caractéristiques" et ne pas pouvoir se prononcer sur l'originalité du logiciel.
Du reste, la nullité des opérations de saisie-contrefaçon avait conduit à écarter l'ensemble des éléments saisis, privant le Tribunal de la possibilité de comparer quelque ligne de code que ce soit pour éventuellement caractériser des actes de contrefaçon.
La solution est donc claire : celui qui invoque des actes de contrefaçon de logiciel doit rapporter la preuve de l'originalité du programme, qui ne saurait être présumée, ce qui doit le conduire à fournir le code source. A défaut, il ne peut qu'être débouté de ses demandes.