Pas de résolution du contrat de prestations informatiques si le client ne démontre pas que le logiciel fourni n'est pas conforme à ses besoins.

En matière de prestations dans le domaine informatique, il est traditionnellement jugé que le prestataire professionnel est tenu de certaines obligations le contraignant à conseiller, voire mettre en garde, le client qui décide de recourir à ses services, en particulier lorsque ce client n'est pas, lui-même, professionnel de l'informatique.

Si cette obligation de conseil (qui consiste en une "obligation de moyens renforcée") peut difficilement être remise en cause, la sanction de son inexécution ne peut consister dans la résolution du contrat qu'à charge pour le client de rapporter la preuve que le logiciel objet de l'accord ne correspond effectivement pas à ses besoins. Il s'agit d'une application on ne peut plus classique des règles relatives à la preuve.

Un arrêt rendu par la Cour d'appel d'Aix en Provence le 4 décembre 2024 vient précisément rappeler qu'il ne suffit pas d'alléguer d'un manquement à une obligation du prestataire informatique pour obtenir gain de cause, ce qui créerait une insupportable insécurité juridique.

L'affaire opposait un prestataire informatique à son client, qui l'avait chargé de lui fournir un logiciel spécialisé dans les ressources humaines ainsi que des prestations de formation à son utilisation par un contrat du 26 mai 2016. Le contrat avait été conclu pour 3 ans. Mais, dès le 2 décembre 2016, le client avait dénoncé la convention conclue, au motif que le logiciel n'aurait prétendument pas répondu à ses besoins.

Le prestataire avait contesté la rupture du contrat et mis en demeure son client de régler ses factures. Le différend avait été porté en justice et, par un jugement du 17 décembre 2020, le Tribunal judiciaire de Toulon avait condamné le client à régler les factures de son prestataire.

Appel fut interjeté et... quasiment quatre ans plus tard jour pour jour, la Cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé le jugement. Les motifs de cette confirmation sont très clairs.

D'une part, le client se plaignait d'un manquement aux obligations contractuelles du prestataire, ce qui aurait justifié, selon lui, une résolution du contrat. Si les juges d'appel ont confirmé que, sous l'empire du droit antérieur à la réforme du droit des obligations, la clause résolutoire était toujours entendue dans les contrats synallagmatiques supposant des contreparties réciproques, ladite résolution ne peut être prononcée qu'en cas de manquement suffisamment grave d'une partie.

En l'occurrence, le contrat signé stipulait que le client était responsable du choix du logiciel. Le prestataire n'était responsable que de la conformité du logiciel à sa documentation. Et, précisément, le client ne démontrait pas qu'il existait une telle non-conformité.      

Et, au-delà de la conformité à la documentation, le contrat peut effectivement être résolu s'il est démontré que le client a commis une erreur dans le choix du logiciel, faute d'avoir été bien conseillé par son vendeur. Mais, en l'espèce, il appartenait naturellement au client de rapporter la preuve de cette inadéquation, qui avait toujours été contestée par le prestataire.

Les juges ont retenu, certes, l'existence d'une insatisfaction exprimée par courrier, mais pas d'une manière permettant d'établir que le logiciel ne répondait pas aux "attentes exprimées avant la signature du contrat". Notamment, il n'était produit aucun document permettant de démontrer un mauvais fonctionnement du logiciel.

La Cour résume ainsi le problème probatoire du dossier :

"Il appartient à celui qui se plaint d'une inexécution par son co-contractant de ses obligations, de nature à justifier la résolution du contrat ou l'inexécution de ses propres obligations, d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, non seulement aucune preuve n'est rapportée, notamment par des éléments techniques, que les produits sont impropres à répondre aux attentes de l'association, mais encore, il n'est produit aucune pièce démontrant que les formations prévues au contrat n'ont pas eu lieu ou qu'elles ont été imparfaitement accomplies."

Et la Cour de rappeler que le droit de demander la résolution d'un contrat ne correspond pas à un droit de repentir :

"La déconvenue du client ne peut être prise en compte que si elle est fondée sur la démonstration que son co-contractant l'a mal ou insuffisamment informé et/ou qu'il a manqué à ses obligations lui en livrant un produit impropre à fournir les fonctionnalités qui en étaient attendues."

Ce qui n'était jamais démontré en l'espèce.

La solution consiste à bien définir ses besoins en amont de la signature du contrat, par un cahier des charges qui sera pleinement opposable aux parties et qui servira de référentiel à l'appréciation de l'exécution des obligations du prestataire.

D’autre part, la Cour a jugé que le prestataire était bien fondé à réclamer le paiement de ses factures correspondant à la durée contractuelle de l’accord, soit 3 ans. Lesdites factures correspondaient notamment à l’acquisition de matériels ainsi qu’à une redevance mensuelle courant sur toute la durée du contrat.

En l’occurrence, la résiliation n’étant pas intervenue de manière valable, le client a été condamné à payer les montants convenus. La Cour a validé la clause du contrat prévoyant à la fois le droit pour le prestataire de suspendre les services en cas de défaut de paiement, ainsi que celle prévoyant que les échéances seraient toutes dues.