La formule "L'alternative à SOS Médecins" jugée contrefaisante de la marque "SOS Médecins"

La société SOS Médecins est titulaire de la marque bien connue "SOS MEDECINS", déposée en 1980, qui désigne notamment des services de "transmissions de messages en vue de soin à apporter aux malades". Cette marque est concédée en licence, à titre gratuit, à des associations de médecins et des médecins qui souhaitent pouvoir l'utiliser, sous réserve d'accepter un cahier des charges. En revanche, tout usage de la marque "SOS Médecins" en l'absence d'une telle autorisation est potentiellement contrefaisant.

En l'occurrence, la société SOS Médecins avait reproché à une société Synapse, qui exploite une plateforme de santé concurrente intitulée "MEDADOM", d'utiliser sur son site internet la formule "L'alternative à SOS Médecins". Alors qu'après une lettre de mise en demeure la société Synapse s'était engagée à ne plus utiliser la marque "SOS MÉDECINS" sans licence valable, il avait été constaté que la formule litigieuse avait été maintenue sur son site internet et que la marque "SOS MÉDECINS" était également associée, dans une annonce Google Ads, à une commune. Une procédure pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale fut alors engagée par la société SOS Médecins.

En première instance, le Tribunal judiciaire de Paris avait fait droit aux demandes de SOS Médecins au titre de la contrefaçon de marque pour usage du signe "SOS MÉDECINS" associé au nom d'une ville, tout en rejetant les demandes au titre de l'utilisation de la formule "L'alternative à SOS Médecins". Appel fut donc interjeté sur ce point spécifiquement.

Il est exact que l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle prohibe l'usage d'une marque sans autorisation de son titulaire, y compris avec l'adjonction de termes comme "formule, façon, système, imitation, genre, méthode". La Cour, dans son arrêt du 15 mars 2024, indique que cette liste n'est pas limitative et que le fait de proposer un produit ou un service "à la façon" d'un autre est constitutif de contrefaçon de marque. C'est ainsi qu'elle juge que la formule "l'alternative à", associée à la reproduction d'une marque déposée, est bien constitutive de contrefaçon :

"Le fait d'associer un rattachement, fut-ce par la référence à une alternative à la marque d'origine, ne suffit pas à écarter l'atteinte à la fonction essentielle de la marque protégée".

Cette solution apparaît logique. La contrefaçon pouvant être constituée par association, la notion d'alternative apparaît bien équivalente aux termes tels que "genre" ou "façon". Le jugement de première instance a donc été infirmé.

En revanche, la société SOS Médecins a été déboutée de sa demande fondée au titre de la tromperie des consommateurs, au motif qu'elle ne reposerait pas sur un "fait distinct" de celui invoqué au titre de la contrefaçon :

"Il n'est fait état d'aucun fait distinct de celui constitué par l'utilisation du signe protégé SOS MÉDECINS par la formule "L'alternative à SOS Médecins", agissement que la cour a retenu comme constitutif d'une contrefaçon."

Il est intéressant de relever, s'agissant des dommages et intérêts, que la Cour s'est trouvée en peine de fixer un montant de réparation, en l'absence de preuve. L'arrêt reproche en effet à la société SOS Médecins de ne pas avoir "justifié de conséquences économiques négatives qu'elles aurait subies du fait de la contrefaçon, ni de bénéfices réalisés par le contrefacteur". Traditionnellement, la seule atteinte à la marque suffit à caractériser un préjudice. En l'espèce, les juges ont considéré que ce préjudice devait être alloué par une somme de 5.000 euros.

Autre point intéressant, la société SOS Médecins réclamait l'indemnisation d'un préjudice distinct, lié au non-respect de l'engagement unilatéral de la société Synapse, qui avait indiqué qu'elle n'utiliserait plus la marque de l'appelante, mais n'avait tenu parole. Alors que le Tribunal avait rejeté cette demande au titre du principe de non-cumul des responsabilités, la Cour infirme le jugement en considérant que :

"cette faute constituée du non-respect de l'engagement pris est d'un fondement différent de celle de l'atteinte à un droit de propriété industrielle par la contrefaçon d'une marque. Ainsi, la demande formée par la société SOS Médecins en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi peut être faite concurremment dans une même procédure et par une demande distincte."

Cela étant, le montant des dommages et intérêts, évalué à 1.000 euros, relève davantage du symbole.