La reproduction du design d’un stand : pas de contrefaçon mais « concurrence déloyale et parasitaire »

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris rendu récemment témoigne du flou qui entoure encore parfois les notions de concurrence déloyale et de parasitisme, que certaines juridictions n’hésitent pas à placer dans un même sac, au mépris des conditions pourtant différenciées pour chaque action, posées progressivement par la jurisprudence depuis plusieurs années.

L’affaire opposait une société de conception de stands sur des foires commerciales à un ancien prospect auquel elle avait soumis plusieurs propositions, toutes refusées. Il était pourtant apparu que, dans le cadre d’un salon « Learning Technologies » en 2019, la société avait reproduit l’un des stands proposés par l’agence, sans autorisation.

La société spécialisée dans la conception et la réalisation de stands avait donc assigné son ex-futur client pour contrefaçon de droit d’auteur et « concurrence déloyale et parasitaire ».   En première instance, elle avait été déboutée de ses demandes au titre de la contrefaçon, probablement faute de pouvoir démontrer l’originalité du stand, mais elle avait obtenu gain de cause sur l’autre fondement, au motif de la reprise quasi-servile de la combinaison des éléments de design qui lui avaient été proposés.

Appel fut interjeté, uniquement sur la question de la concurrence déloyale et parasitaire. Et en appel, la Cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions. De manière surprenante, elle retient une qualification globale de « concurrence déloyale et parasitaire ». Par ailleurs, la décision est taisante sur la réalité des investissements, dont on sait pourtant qu’ils doivent normalement donner lieu à une « valeur économique individualisée » pour pouvoir justifier une condamnation.

L’arrêt du 21 février 2024 repose sur l’analyse de photographies établissant une reproduction quasi-servile d’une proposition de design : des bornes d’arcade à l’identique, une table de présentation d’une forme similaire, un logo intégré au même endroit et mis en valeur par des lumière, un bar en L… le tout alors qu’aucune instruction précise n’avait été communiquée quant à l’agencement, les formes et les aspects du mobilier.

La Cour en retient un « caractère fautif de l’appropriation du travail, de l’investissement intellectuel et du savoir-faire de la société 79Agency, la société My-Serious-Game  ayant réutilisé de façon déloyale la conception et le design du stand qui lui avaient été fournis en vue de futurs relations contractuelles ».

Si la faute paraît difficilement contestable, en revanche on peut s’étonner du manque apparent de caractérisation des investissements, notamment intellectuels, alors même que l’originalité du stand semblait faire défaut, à telle enseigne que la contrefaçon de droits d’auteur n’avait pas été constituée. Il semble donc possible d’obtenir une condamnation pour faute sur la base d’une reprise servile d’éléments peut-être banals.

S’agissant des dommages et intérêts, la Cour retient, sans expertise, une indemnité au titre de la marge commerciale perdue, selon un taux de marge attesté par un expert comptable, outre un préjudice moral pour l’agence « qui s’est sentie trahie par l’appropriation fautive de son travail ».

En revanche, la Cour a rejeté la demande au titre d’un « bénéfice indu », de même qu’une demande reconventionnelle de condamnation pour « dénigrement » qui avait été formulée par la société My-Serious-Game au motif que la demanderesse avait prévenu un tiers sous-traitant des actes d’appropriation fautive. Selon l’arrêt, les propos étaient « informatifs et mesurés (…), sans imputer de faits de contrefaçon, de sorte qu’aucun acte de dénigrement ne [pouvait] être retenu ».

Voici une décision qui confortera les agences (notamment de communication) qui travaillent en amont de la signature de contrats, par exemple dans le cadre d’appels d’offres, qui pourront ainsi éventuellement obtenir l’indemnisation d’un préjudice en cas d’utilisation de leur travail pourtant refusé.