Affaire "Rent A Car" : la validité de la marque finalement reconnue en cassation.

Depuis plusieurs années, la société Rent A Car bataille judiciairement pour défendre ses droits sur la marque "RENT A CAR", déposée pour viser les services de location de véhicules.

Nous avions d'ailleurs rendu compte de ce véritable feuilleton judiciaire à plusieurs reprises, notamment en évoquant un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 15 janvier 2019 qui avait validé l'annulation de la marque "RENT A CAR" pour défaut de caractère distinctif et ainsi permis à une société concurrente, Enterprise Holdings, d'utiliser la marque "ENTERPRISE RENT A CAR".

Cette longue décision était, entre autres, motivée par l'argument selon lequel la société Rent A Car ne rapportait pas la preuve de l'acquisition du caractère distinctif du signe antérieur "RENT A CAR" pour désigner des services de location de véhicules, chacun comprenant que l'expression anglaise "RENT A CAR" signifie, en français, "LOCATION DE VOITURES".

Cependant, par un arrêt du 7 juillet 2021 (pourvoi n° 19-16.028), la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient de (violemment) casser cet arrêt par une motivation très claire, grâce à la nouvelle rédaction des arrêts de la Cour suprême. La Cour a répondu ainsi à deux questions principales distinctes s’agissant de la marque en cause :

  • d'une part, la Cour de cassation considère qu'en retenant que la marque "RENT A CAR" était dépourvue de "caractère distinctif intrinsèque" au motif qu'elle constituerait la simple traduction de l'expression "LOUER UNE VOITURE", les juges du second degré auraient seulement démontré un caractère évocateur de la marque et non un caractère descriptif. Or les marques simplement évocatrices peuvent être valables, tant qu'elles ne désignent pas à proprement parler une caractéristique des produits ou des services visés ; 

  • d'autre part, de manière également très intéressante, la Cour de cassation rappelle qu'une marque peut acquérir un caractère distinctif par l'usage qui en est fait et qu'en l'occurrence, le sondage qui avait été produit par Rent A Car au soutien de son argumentation avait été mal interprété par la Cour d'appel. Selon l'arrêt, cette étude "était de nature à démontrer que le public pertinent percevait la marque verbale comme une partie de la marque semi-figurative et que la première avait acquis un caractère distinctif en conséquence de l'usage de la seconde". 

    Une sorte de billard à trois bandes !

Cette analyse est surprenante dans la mesure où elle semble revenir sur le fameux "pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond", la Cour de cassation n'hésitant pas à reprocher à ces derniers leur analyse d'un élément factuel.

In fine, après une espèce de démontage en règles de l'arrêt d'appel (qui est cassé sur bien d'autres fondements encore, notamment en ce qui concerne la concurrence déloyale), la Cour de cassation décide de trancher le fond et de se prononcer sur la demande d'annulation de la marque "RENT A CAR", au nom de "l'intérêt d'une bonne administration de la justice".

Sur ce point, la Cour retient - et c'est probablement la conclusion de l'histoire :

  • que "si les termes « rent a car » sont descriptifs de l'activité de location de véhicules, ils ne sont qu'évocateurs des produits « véhicules, véhicules automobiles, véhicules utilitaires, véhicules industriels, camions, camionnettes, remorques, véhicules électriques », compte tenu de la distinction essentielle, connue de tout consommateur, entre vente et location. La demande d'annulation de la marque verbale « Rent A Car », en tant qu'elle a été enregistrée pour des produits en classe 12, doit donc être rejetée. " 

Cette solution repose donc sur la distinction entre vente (classe 12) et location de véhicules (classe 39).

  • qu’en ce qui concerne la location de véhicules stricto sensu, sans surprise donc la Cour de cassation considère que la marque "RENT A CAR" est valable en raison de l'acquisition de son caractère distinctif par l'usage :

“la marque verbale « Rent A Car » a acquis un caractère distinctif pour les services de location de véhicules, de véhicules de tourisme, de véhicules utilitaires, de véhicules industriels, par l'usage intensif, relevé par la cour d'appel, qui a été fait par la société Rent A Car tant de la marque semi-figurative « Rent A Car », dont le caractère distinctif n'est pas contesté et dont l'élément verbal correspond exactement à la marque verbale, que de ses dénomination sociale, nom commercial et enseigne, dont la cour d'appel a constaté la renommée, qui sont identiques à la marque verbale.”

Voici donc une éclatante victoire pour Rent A Car, qui voit reconnaître la validité de sa marque de manière très ferme par la plus haute juridiction française et peut donc reprendre sa bataille judiciaire contre Enterprise Rent A Car de manière sereine.