Défaut d’originalité pour une campagne publicitaire réalisée à partir d’un « brief » du client

La Cour d’appel de Versailles a rendu le 27 octobre 2020 un arrêt intéressant relatif à la protection par le droit d’auteur d’une campagne publicitaire.

Dans cette affaire, le client, la société Sunstar, avait sollicité plusieurs agences afin de concevoir et réaliser une campagne pour un bain de bouche qu’elle commercialise, intitulé « Paroex ». Elle avait remis aux agences prospectées un « brief » fixant l’idée de base de la campagne, en l’occurrence la communication autour de la composition du produit : « 0,12 % CHX + sans alcool, la bonne combinaison »

Une agence qui avait répondu à l’appel d’offres avait conçu un projet de visuel autour d’une machine à sous associée au slogan « la combinaison gagnante ». Ce projet avait été refusé par le client, considérant que la proposition ne correspondait pas à l’image du produit. Sunstar n’avait donc pas donné suite à la proposition de l’agence.

Cette dernière fut donc surprise lorsque, quelques mois plus tard, elle constata que la société Sunstar avait produit une campagne publicitaire pour le produit « Paroex » qui, selon l’agence, reproduisait les caractéristiques de sa proposition. 

A la suite de l’envoi d’une lettre de mise en demeure, la société Sunstar avait contesté le caractère protégeable par le droit d’auteur de la proposition de l’agence et, partant, refusé de suspendre sa campagne. En première instance, le Tribunal de grande instance de Nanterre avait rejeté l’ensemble des demandes de l’agence, qui avait donc interjeté appel de la décision. Malheureusement pour elle, en appel cette solution fut confirmée.

L’agence reconnaissait certes avoir travaillé sur la base des consignes du client, telles que formulées dans le cadre du « brief », mais estimait que ces seules indications ne pouvaient pas priver l’auteur de la campagne de droits sur cette dernière. En l’espèce, elle soutenait que le client n’avait transmis qu’une simple piste de réflexion et que l’agence avait travaillé pour la mettre en forme, avec en particulier le choix arbitraire d’utiliser une machine à sous. 

Au titre du droit d’auteur, la cour rappelle que l’originalité doit être démontrée par celui qui l’invoque. En l’occurrence, les juges estiment qu’au regard des pièces produites, l’agence travaillait selon les indications du client. Ainsi, le slogan « la combinaison gagnante » n’était pas suffisamment distinct de « la bonne combinaison », évoquée dans le brief. En outre, la Cour retient que l’association des termes « combinaison gagnante » à une machine à sous est banale.

En somme, selon l’arrêt, « cette association ne relève pas d’un processus créatif issu de choix personnels ». 

L’agence n’a pas eu plus de chance sur le plan de la concurrence déloyale. Selon l’arrêt, les similitudes entre le projet soumis par l’agence et la campagne diffusée par l’annonceur ne traduisaient pas une faute de la part de la société Sunstar. En outre, et au demeurant, l’agence ne rapportait pas la preuve de « ses efforts et ses investissements ». 

Que faut-il en déduire ? D’abord, qu’une agence de communication doit vraiment faire preuve d’un travail créatif, l’originalité supposant la preuve d’un « effort personnel ». S’il s’agit simplement de partir sur la base d’un brief pour le mettre en forme de manière basique, alors l’absence de droits d’auteur peut être justifiée.

Ensuite, et même surtout, le travail de l’agence devrait être protégé. Avant de remettre une proposition à un client, il serait pertinent de signer un accord de confidentialité excluant la possibilité pour l’annonceur de réutiliser le travail remis. Le contrat peut donc, dans une certaine mesure, pallier l’absence de droits de propriété intellectuelle.

Ce formalisme, pourtant guère excessif, n’est souvent pas compatible avec la manière dont les agences travaillent. Et dans une situation de concurrence, elle peut être difficile à imposer. C’est néanmoins le prix à payer pour éviter de voir son travail repris alors même qu’il avait initialement été rejeté…