Nullité de marques constituées de la seule forme du produit, à savoir une chaise et un tabouret

La société Tolix est connue pour son mobilier de type industriel, en particulier ses chaises et tabourets. Elle s’est plainte de la commercialisation par la société Gifi de copies très similaires de certains de ses produits, la chaise « A » et le tabouret « H ». 

Au soutien de sa réclamation, la société Tolix invoquait différents fondements, dont la contrefaçon de marque. En effet, la forme de la chaise « A » et du tabouret « H » avait fait l’objet de dépôts en France à titre de marque en 2017, en classe 20 pour désigner respectivement les chaises métalliques et les tabourets métalliques.

Il est exact qu’une marque peut être constituée d’une simple forme. Cependant, pour que la marque soit valable, la forme en question doit répondre aux caractéristiques de la marque, notamment être de nature à permettre au consommateur de déterminer l’origine d’un produit. Elle doit également être distinctive. Ainsi, le recours à la marque peut ne pas correspondre à l’objectif poursuivi. 

Et, en l’occurrence, dans un arrêt du 20 décembre 2023, la Cour d’appel de Paris, saisie du litige, a considéré que les marques déposées par Tolix étaient nulles pour défaut de caractère distinctif, au motif qu’il n’était pas démontré que les représentations en cause « se différenci[aient] de manière significative des formes de base de ce type de produits et de la norme et des habitudes du secteur ».

La société Tolix produisait un sondage démontrant qu’une partie substantielle des sondés reconnaissait les formes en question, mais, selon l’arrêt, l’enquête « ne permet nullement d'établir que la seule représentation de la chaise ou du tabouret garantit au grand public l'identité d'origine du produit, en lui permettant de la distinguer, sans confusion possible, de ceux ayant une autre provenance. » 

En conclusion, les marques en cause ne sont pas à même « de remplir leur fonction essentielle d'identification d'origine » et doivent être annulées.

La société Tolix est tout de même parvenue à obtenir la condamnation de la société Gifi, notamment au titre du droit d’auteur, pour la période antérieure au 1er janvier 2019, date à laquelle les modèles en cause sont tombés dans le domaine public.

Est-ce à dire que les modèles en question peuvent dorénavant être reproduits par quiconque ? Rien n’est moins sûr dans la mesure où la société Tolix a réussi à faire condamner Gifi pour « concurrence parasitaire » :

« La cour retient [l’existence] d’investissements conséquents consacrés spécifiquement par la société Tolix à la promotion de la chaise «A» et des tabourets « H » et « HPD », mais aussi d'un travail particulier, d'un ancrage sur le territoire français et d'un savoir-faire presque centenaire constamment revendiqués et entretenus, et ainsi caractérise une valeur économique individualisée.

Aussi, en proposant à la vente sur le marché français des copies serviles ou quasi-serviles de la chaise et des tabourets ainsi promus par la société Tolix, la société Gifi a entendu nécessairement se placer dans son sillage et celui de ses produits au «design iconique» auréolés de leur qualités précitées, pour en capter les retombées, ce qui lui a permis de commercialiser ses produits auprès de ses distributeurs en s'épargnant tout effort intellectuel, matériel et financier de conception, de promotion ou de commercialisation nécessaire au succès du lancement de ce type de produit d'équipement » 

On notera qu’à rebours le grief de concurrence déloyale n’a pas été retenu, en l’absence de risque de confusion.