Condamnation d’une agence de design pour non respect d’une obligation de non concurrence et de sa garantie d’éviction

Un arrêt rendu le 28 juin 2022 par la Cour d’appel de Bordeaux illustre la difficulté pour une agence de design de travailler avec plusieurs clients concurrents sur un même type de projet.

En l’occurrence, la société Agence Design & Co, spécialisée dans la conception d’objets industriels, avait conçu en 2014 un modèle de conteneur de déchets, une colonne aérienne d’apport volontaire. Ses droits sur cet objet avaient été cédés à son client, une société Quadria, qui l’avait déposé à titre de dessin et modèle à l’INPI avant de le commercialiser.

Quelques mois mois plus tard, Quadria avait constaté qu’en société Rotomoulage proposait des modèles de collecteur de déchets conçus par la même agence, Design & Co, semble-t-il similaires à la colonne aérienne dont elle était désormais propriétaire.

Après avoir mis en demeure Rotomoulage de cesser la commercialisation de ces objets, Quadria avait porté le litige en justice, en assignant à la fois Rotomoulage et Design & Co.

Analysons l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux sous l’angle de l’agence de design qui avait conçu tous les modèles de collecteurs de déchets en cause. Pouvait-elle se voir reprocher d’avoir travaillé avec deux clients différents sur un même type de mission ?

La réponse est oui : selon l’arrêt, Quadria pouvait valablement reprocher à l’agence d’avoir manqué à une obligation contractuelle de non-concurrence, tandis qu’elle était tenue d’une garantie de non éviction vis-à-vis de son client.

D’une part, le contrat conclu entre Quadria et Design & Co faisait interdiction à l’agence de « collaborer à un projet concurrent de même nature que l’étude des conteneurs durant les deux années après la fin de la collaboration relative à ce produit ». Cette clause, qui, selon Quadria, avait été violée, était peut-être nulle, faute de délimitation dans l’espace, mais la demande en nullité était prescrite au moment où elle a été formulée.

D’autre part, en tant que fournisseur des designs litigieux à deux concurrents, l’agence Design & Co pouvait valablement se voir reprocher d’avoir troublé « la jouissance paisible » des droits d’auteur sur le modèle cédé à Quadria.

A titre de demande reconventionnelle, l’agence avait demandé la condamnation de Quadria pour violation de son droit moral dès lors qu’elle n’avait pas été citée dans les documents promotionnels en faveur de la colonne cédée. Mais elle n’a pas obtenu gain de cause sur ce point, dès lors qu’elle n’est pas parvenue à démontrer qu’elle avait demandé une telle mention avant le contentieux.

En conclusion, toute agence (y compris de communication) prendra bien soin de vérifier dans quelle mesure elle peut travailler pour des clients concurrents, en prenant garde de ne pas accepter de clause contractuelle limitant sa liberté d’entreprendre, sauf à ce qu’elle soit bien délimitée et rémunérée.