Le dépôt d'une marque contrefaisante ne constitue plus, en soi, un acte de contrefaçon.

Depuis de nombreuses années, la jurisprudence considérait que le simple dépôt à titre de marque d'un signe imitant une marque antérieure était constitutif d'un acte de contrefaçon au sens des articles L. 713-2 et/ou L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle.

De la sorte, celui qui déposait une marque imitant une autre pouvait faire l'objet d'une action en contrefaçon et, in fine, être condamné à verser des dommages et intérêts au titulaire de la marque antérieure. 

Cette solution constante était approuvée en doctrine. Ainsi, comme l'énonçait le Professeur Pollaud-Dulian, "le simple dépôt d'une marque imitante est une contrefaçon", citant un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 mars 1990 en ce sens.

Cette solution a vécu. En effet, par un arrêt de la Chambre commerciale du 13 octobre 2021 (n° 19-20.504), revenant sur son interprétation passée à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, la Cour suprême considère qu'en l'absence d'acte d'exploitation, le simple dépôt d'une marque imitante n'est pas contrefaisant.

Dans cette décision, la Cour est conduite à "reconsidérer" sa jurisprudence traditionnelle au motif que, selon la CJUE, la contrefaçon de marque n'est constituée qu'en cas d'usage "dans la vie des affaires, pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée".

Or, nous dit la Cour, "la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque, même lorsqu'elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services, (...) en l'absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe."

Par conséquent, "la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon".

Cette solution nouvelle ne surprendra guère que les tenants ou nostalgiques de l'analyse traditionnelle de la contrefaçon de marque. Il est vrai que le simple dépôt (non public, par définition) ne peut pas constituer en soi un usage à titre de marque dans la vie des affaires. 

Il en résulte que l'action en contrefaçon est désormais fermée en l'absence de tout usage public du signe, par exemple dans le cadre de la commercialisation de produits ou de services. Dans cette hypothèse, il reste néanmoins la voie à l'opposition, l'action en revendication ou l'action en nullité.