Google n'est pas tenue d'empêcher la réservation de certains mots-clés sur son service AdWords.

Par un arrêt du 28 janvier 2021, la Cour d'appel de Paris est venue rappeler la portée des obligations de Google en matière de référencement payant. 

L'on sait depuis plus d'une décennie maintenant (en l'occurrence depuis la jurisprudence Louis Vuitton de la Cour de Justice de l'Union européenne du 23 mars 2010) que, par principe, le moteur de recherche ne voit pas sa responsabilité civile engagée en cas de contrefaçon de marque commise dans le cadre du service AdWords.

Le responsable est, ici également en principe, l'annonceur qui crée une confusion dans l'esprit du public en utilisant la marque d'un tiers. Mais attention, la seule réservation du mot-clé dans le cadre du programme de référencement payant n'est pas susceptible, en soi, de créer un tel risque de confusion : il est nécessaire que l'annonce laisse planer le doute, par exemple en utilisant cette marque au sein du bandeau promotionnel.

Dans l'affaire jugée par la Cour, une société titulaire d'une marque "ALLO APERO", qui avait obtenu gain de cause à l'encontre de concurrents qui avaient utilisé sa marque dans le cadre de liens sponsorisés sur Google, se plaignait qu'il restait possible pour les tiers de réserver les mots-clés correspondant à cette marque au sein du programme AdWords. Concrètement, cela signifiait qu'une recherche sur "ALLO APERO" donnait lieu à l'affichage de liens promotionnels au profit de certains de ses concurrents. Et, selon elle, Google avait engagé sa responsabilité en n'excluant pas, de manière totale et définitive, la possibilité pour quiconque d'enchérir sur ces termes.

L'action paraissait toutefois relativement hasardeuse, notamment parce qu'en application de la jurisprudence Vuitton rappelée ci-dessus, tout opérateur économique est libre de réserver des mots-clés dans AdWords, même ceux correspondant à la marque d'un tiers, dès lors qu'il n'en résulte pas de risque de confusion dans l'esprit du public. Il semblait donc difficile de faire peser sur Google une charge aussi lourde que celle qui aurait consisté à n'autoriser la réservation de ces mots-clés qu'au seul titulaire de la marque.

C'est donc sans grande surprise que la Cour de Paris, rappelant au passage que la société Google France, qui n'exploite pas le moteur de recherche ni le programme de liens sponsorisés, devait être mise hors de cause, a débouté le demandeur de l'intégralité de ses prétentions.

Selon l'arrêt, "l'utilisation dans le système Adwords de Google de mots clés même constituant la marque d'un concurrent n'est pas interdite en soi et ne constitue pas du seul fait de cette utilisation une contrefaçon de marque. Elle n'est illicite qu'en cas de confusion effective dans les résultats affichés entre les produits du titulaire de la marque et ceux du concurrent." Dès lors, "il ne peut être ordonné de façon générale l'interdiction d'enchérir ou d'utiliser les mots 'Allo Apéro' dans les recherches sur les moteurs de recherches."

Et bien plus, s'agissant de Google, "la suppression générale des mots Allo apero parmi les mots clés à la disposition des annonceurs pour apparaître dans les résultats de recherche contreviendrait au principe de libre concurrence." La Cour refuse donc d'aller en ce sens. Sanction ultime, la Cour condamne la société titulaire de la marque "ALLO APERO" à 10.000 euros d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700. 

Google bénéficie-t-elle d'une totale "impunité" dans le contentieux AdWords ? C'est bien ce qui se dessine de 10 ans de jurisprudence en la matière, alors que plusieurs décisions, antérieures à 2010, avaient contribué à la création d'un régime de responsabilité du moteur de recherche qui n'était pas totalement déconnecté de l'enjeu financier que représente le programme publicitaire AdWords...